Arrestation arbitraire, torture et procès inéquitable
Faits
En Octobre 2013, TRIAL et l’ONG Stichting Russian Justice Initiative ont présenté une plainte individuelle au Comité des Droits de l’Homme des Nations unies au nom de M. Tamerlan Yashuyev, M. Khamit Barakhayev, M. Rizvan Taysumov, M. Salman Temirbulatov, M. Arzu Yusupov, et M. Magamed Alarkanov.
Ces six hommes ont été arrêtés dans différentes villes de Tchétchénie et du Daghestan, entre septembre 2004 et février 2005, par des agents de sécurité appartenant respectivement aux forces suivantes:
– les Kadyrovtsy, forces Tchétchènes pro-Moscou, sous le commandement de Ramzan Kadyrov, Premier Ministre de la République Tchèque à l’époque;
– l’ORB, Bureau Opérationnel d’Investigation;
– les autorités policières de Kassaviourt.
Ces hommes ont été maintenus en détention incomunicado et au secret pour une durée de 3 à 25 jours pendant lesquelles ils n’ont pu avoir aucun contact avec l’extérieur et ont été soustraits à la protection de la loi. Pour leur faire avouer leur implication dans des activités terroristes, des agents de l’Etat leurs ont fait subir tortures et mauvais traitements.
Plus tard, ces six hommes ont été poursuivis en justice et déclarés coupables de plusieurs actes de terrorisme. Leurs aveux obtenus sous la torture ont été évoqués au tribunal et considérés comme une preuve valable durant le procès.
Malgré les plaintes que ces six hommes ont déposées, les autorités russes n’ont pas mené d’enquête prompte, indépendante, impartiale, efficace et approfondie.
A ce jour, personne n’a été sanctionné pour les tortures infligées aux six auteurs de la plainte, actuellement détenus dans différentes prisons de haute sécurité de la fédération de Russie.
Les six auteurs de la plainte demandent au Comité des Droits de l’Homme:
– de les déclarer victimes d’une violation de l’article 7 (interdiction de la torture), lu séparément et conjointement avec l’article 2, paragraphe 3 (droit à un recours effectif), du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, suite à la torture et mauvais traitements dont ils ont été les victimes et au manquement des autorités russes de mener une enquête indépendante, impartiale, approfondie et efficace concernant leurs allégations, et de juger et sanctionner les responsables;
– de les déclarer victimes d’une violation de l’article 9, paragraphes 1,2, 3 et 4 (droit à la liberté et à la sécurité de la personne) du Pacte, suite à leur arrestation et détentions arbitraires; ils n’ont pas été informés, au moment de l’arrestation, des raisons de cette dernière ni n’ont été rapidement informés des faits qui leur étaient reprochés. Ils n’ont pas non plus été rapidement amenés à comparaitre devant un juge ou autre représentant légitime de la loi autorisé à exercer un pouvoir judiciaire;
– de les déclarer victimes d’une violation des articles 14, paragraphes 2, 3(1), 3(b) et 3 (g), du Pacte (droit à un procès équitable), n’ayant pas été présumés innocents jusqu’à preuve de leur culpabilité selon la loi. Ils n’ont pas été informés dans une langue qui leur est compréhensible des faits leur étant reprochés. Ils n’ont pas eu le temps adéquat et nécessaire pour préparer une défense et communiquer avec leur avocat. De plus, ils ont été forcés à témoigner contre eux-mêmes et de passer aux aveux;
– d’exiger de la fédération de Russie d’enquêter, de poursuivre et de condamner rapidement et efficacement les responsables de leur torture; d’ordonner un nouveau procès sans délai, de manière à respecter leur droit à un procès équitable; de s’assurer qu’ils reçoivent une compensation adéquate au vu du préjudice subi, ainsi que réparation, ce qui inclut dédommagement, réhabilitation, satisfaction et la garantie que ces actes ne seront pas reproduits.
Le 11 mai 2020, le Comité des Droits de l’Homme a rendu une décision positive. Les autorités russes doivent maintenant fournir un recours effectif aux victimes, comprenant notamment la conduite d’une enquête, des réparations satisfaisantes et l’adoption de toutes les mesures nécessaires pour éviter que des violations similaires ne se reproduisent à l’avenir.
Le contexte général
En Tchétchénie et dans la région Nord-Caucase, les détentions illégales et torture sont monnaie courante, principalement pour obtenir les aveux forcés de personnes privées de liberté, pour les faire ensuite condamner par la justice. Les membres de Kadyrovtsy et du Second Bureau Opérationnel d’Investigation (ORB-2) sont responsables des exactions dans la plupart de ces cas. A ce jour cependant, les auteurs de ces crimes bénéficient d’une impunité quasi-totale.