Condamnation d’un génocidaire rwandais: un exemple à suivre

05.12.2016 ( Modifié le : 27.02.2017 )

Un op-ed de Sandra Delval

La Cour d’assises de Bobigny (France) a confirmé la culpabilité de Pascal Simbikangwa pour génocide et crime contre l’humanité. Au-delà du soulagement des victimes, ce verdict doit servir d’exemple aux États européens qui hésitent encore à s’investir dans la lutte contre l’impunité.

Pascal Simbikangwa a été condamné, en appel, à 25 années de réclusion criminelle pour sa participation au génocide rwandais de 1994. Ce procès est le premier en France fondé sur la compétence extraterritoriale des juridictions mené en présence de l’accusé.

Il s’agit également de la première affaire renvoyée aux Assises par le Pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du Tribunal de Grande Instance de Paris. Ce Pôle créé en janvier 2012 visait justement à accélérer les procédures relatives aux crimes internationaux.

Pascal Simbikangwa, ancien militaire et employé au Service Central de Renseignements du Rwanda en 1994, s’était réfugié à Mayotte où il a été arrêté pour une infraction de droit commun en 2009. Après une procédure d’instruction qui a duré quatre ans, il a été renvoyé devant la Cour d’assises de Paris et jugé en première instance en février et mars 2014.

Il avait alors été déclaré coupable d’avoir apporté un concours actif au fonctionnement des barrières meurtrières de Kigali pendant le génocide, en fournissant des armes aux gardiens de son quartier et aux Interahamwe. Il leur a également donné directement des instructions pour qu’ils exterminent sur le champ les Tutsi susceptibles de se présenter aux barrières. L’accusé avait fait appel de cette décision, qui vient d’être confirmée en appel.

La France montre l’exemple

La bonne tenue de ce procès permettant vraisemblablement à cette procédure d’arriver à son terme et l’engagement de poursuites dans des dossiers similaires démontrent que la France se montre à la hauteur de ses engagements sur la lutte contre l’impunité. Pour le moment, seules des procédures liées au génocide rwandais ont été jusqu’au stade du procès. Certes la majorité des affaires traitées par le Pôle sont liées à ces évènements mais l’accroissement actuel du nombre de conflits devrait contribuer à l’élargissement de son champs d’activités, tel qu’en attestent les dossiers qui arrivent actuellement au Pôle et qui concernent des zones géographiques variées.

Le procès de Pascal Simbikangwa démontre par ailleurs que la compétence extraterritoriale n’engendre pas de difficultés insurmontables. [1]

Les difficultés découlent du peu de connaissance de la Cour sur le contexte des crimes sur lesquels elle doit statuer, puisqu’ils ont été commis dans un autre pays. La cinquantaine de témoins et experts appelés à la barre et venus déposer sur le contexte historique et politique du Rwanda, sur la personnalité de l’accusé, puis sur son parcours professionnel, ses liens avec l’ex-président Habyarimana, son rôle dans les médias, ses relations avec les milices Interahamwe et enfin sur les faits qualifiés de complicité de crime contre l’humanité et crime de génocide, a permis au jury populaire d’avoir toutes les informations nécessaires pour replacer ses actes dans leur contexte.

L’aboutissement de ce procès est une victoire pour les victimes qui demandent que leurs bourreaux réfugiés en Europe soient traduits en justice. Nombreux sont les criminels qui y vivent encore en toute impunité.

Sandra Delval, Conseillère juridique.
@SandraDelvalT

[1] Cette compétence donnant la possibilité à une Cour française de statuer sur des crimes commis à l’étranger, par et sur des ressortissants étrangers, se justifie par l’extrême gravité des crimes en cause. Ces crimes sont d’une gravité telle qu’ils portent atteinte à l’ensemble de la communauté internationale.

 

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