Des organisations des droits humains demandent à la France d’enquêter sur le Prince héritier saoudien en lien avec le meurtre de Jamal Khashoggi
Des organisations des droits humains demandent à la France d’enquêter sur le Prince héritier saoudien en lien avec le meurtre de Jamal Khashoggi
Mohammed bin Salman accusé de torture et de la disparition forcée du journaliste
(Paris, 28 juillet 2022) Faisant suite à la plainte pénale déposée aujourd’hui, les autorités françaises devraient ouvrir une enquête contre le Prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman (MBS), actuellement en visite en France, pour la torture et le meurtre du journaliste saoudien exilé Jamal Khashoggi, ont déclaré aujourd’hui Democracy for the Arab World Now (DAWN), Open Society Justice Initiative (OSJI) et TRIAL International.
Bin Salman est en France pour rencontrer le Président Emmanuel Macron.
DAWN, une organisation crée par Khashoggi en juin 2018, trois mois avant sa disparition, a déposé, le 28 juillet, une plainte de 42 pages auprès du tribunal de Paris affirmant que bin Salman est un complice de la torture et la disparition forcée de Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre 2018. La France est compétente pour poursuivre ces crimes.
La plainte, également soutenue par Open Society Justice Initiative et co-déposée par TRIAL International, affirme que bin Salman ne bénéficie pas de l’immunité de poursuite car, en tant que Prince héritier, il n’est pas Chef d’État. Les organisations soutiennent que bin Salman a fait pression sur la Turquie pour qu’elle abandonne les poursuites contre des officiers saoudiens pour le meurtre de Khashoggi et affirment que le procès tenu en Arabie Saoudite contre des accusés anonymes était une mascarade. Ainsi, la France est l’une des seules voies possibles pour la justice.
« Les autorités françaises devraient immédiatement ouvrir une enquête criminelle contre Mohammed bin Salman et enquêter sur son rôle dans le meurtre effroyable de Jamal Khashoggi », a déclaré Sarah Leah Whiston, directrice exécutive de DAWN. « En tant que partie à la Convention contre la torture et à la Convention contre les disparitions forcées, la France doit enquêter sur un suspect comme bin Salman s’il se trouve sur le territoire français ».
Khashoggi, un éditorialiste du Washington Post, critiquait les atteintes à la liberté d’expression et la répression exercées par le Prince héritier dans le Royaume. Les organisations affirment que les officiers saoudiens, agissant sous les ordres de bin Salman, ont démembré le corps de Khashoggi avec une scie à os après l’avoir attiré dans leur consulat à Istanbul.
Le rapport des services du renseignement américain sur le meurtre, publié par l’administration Biden, a conclu que MBS a ordonné le meurtre. La rapporteuse des Nations Unies sur les exécutions sommaires de l’époque, Agnès Callamard, est arrivée à la même conclusion. Après sa rencontre en juillet avec bin Salman, le Président Biden a dit qu’il avait confronté le Prince héritier à propos du meurtre de Khashoggi et a laissé entendre qu’il aurait dit au Prince qu’il le tenait pour personnellement responsable de ce meurtre.
Bin Salman fait également l’objet d’une plainte civile portant sur ce meurtre, déposée aux États-Unis par DAWN et la fiancée de Khashoggi, Hatice Cengiz.
Le droit français reconnait la « compétence universelle » pour la torture et les disparitions forcées. Cela signifie que les autorités judiciaires ont le pouvoir – et en cas de torture et de disparition forcée, l’obligation – d’enquêter et de poursuivre ces crimes quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou des victimes, pour autant que le suspect se trouve sur le territoire français.
« La France a joué un rôle tellement important dans l’adoption de la Convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, » a déclaré Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International. « Le temps est venu pour la France d’être à la hauteur des normes pour lesquelles elle s’est battue avec tant de conviction et de s’attaquer sérieusement à l’impunité pour de tels crimes. »
Les affaires de compétence universelle sont de plus en plus significatives dans le cadre des efforts internationaux visant à engager la responsabilité des auteurs d’atrocités, à rendre justice aux victimes souvent démunies dans leur quête de justice, à contribuer à dissuader la commission de futurs crimes et à empêcher que les pays deviennent des refuges pour les auteurs de violations des droits humains.
« Le meurtre délibéré de Jamal Khashoggi était la pierre angulaire de la vague de répression déclenchée par Mohammed bin Salman contre la société civile saoudienne qui comprend des détentions arbitraires, de la torture, des meurtres commandités par l’État et des disparitions forcées », a déclaré James A. Goldston, directeur exécutif de la Open Society Justice Initiative. « En rencontrant le Prince héritier sur le territoire français, pendant que des dissidents saoudiens restent injustement détenus, piégés dans le pays par des interdictions de voyager, et ciblés à l’étranger, le Président Macron risque de contribuer à la normalisation dangereuse d’un homme brutal ».
Faisant suite au meurtre de Khashoggi, la France et d’autres pays occidentaux ont imposé des sanctions et des interdictions de voyager pour les 18 personnes suspectées d’être impliquées dans le meurtre. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont coordonné l’émission d’interdictions de voyager qui s’appliquent dans l’ensemble des 26 pays de l’Espace Schengen. Le 20 octobre 2018, le Ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a condamné le meurtre de Khashoggi dans les termes les plus forts. Le Ministre a, en outre, déclaré que « le meurtre de M. Khashoggi est un crime d’une extrême gravité qui va, d’ailleurs, à l’encontre de la liberté de la presse et des droits les plus fondamentaux ». La maire de Paris, Anne Hidalgo, a également annulé, avec d’autres maires du monde entier, sa participation à la conférence U20 qui a eu lieu en Arabie Saoudite.
Toutefois, à la différence d’autres pays européens, la France n’a pas interdit la vente et la livraison d’armes à l’Arabie Saoudite. Le 26 octobre 2018, le Président Macron a déclaré : « Quel est le rapport entre les ventes d’armes et M. Khashoggi ? … il n’y en a aucun avec M. Khashoggi ». Le 25 mars 2019, l’Ambassadrice française en Allemagne, Anne-Marie Descotes a mis en garde le gouvernement allemand contre la « politisation » des ventes d’armes qui pourrait mettre en péril des projets communs pour les jets, les drones et les tanks. Pendant la période 2014-2018, la France était le troisième plus grand fournisseur d’armes à l’Arabie Saoudite, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. En 2019, moins d’un an après le meurtre, la France a transféré pour $1.7 milliard d’armes à l’Arabie Saoudite et a continué à lui en vendre chaque année pour des milliards. En juin 2022, des ONG ont déposé une plainte pénale contre des entreprises d’armement françaises pour ces ventes d’armes, mentionnant la complicité de la France dans les crimes de guerre commis au Yémen.
DAWN et TRIAL International sont représentées par l’avocat français Henri Thulliez.
Pour plus d’informations :
Sarah Leah Whitson (DAWN) à New York, swhitson@dawnmena.org ou +1-718-213-7342, Twitter: @sarahleah1 (Anglais, Arabe, Arménien)
James A. Goldston (OSJI) à New York, media@opensocietyfoundations.org ou +1-917-862-2937, Twitter : @OSFJustice, @JamesAGoldston
Henri Thuillez à Paris, henri.thulliez@gmail.com (Français, Anglais)
Reed Brody (DAWN) à Carcassonne +1 917-388-6745 (WhatsApp) ou +34 683 223 642 (téléphone) ou reedbrody@gmail.com (Anglais, Français, Espagnol, Portugais)
Philip Grant (TRIAL International) à Genève, media@trialinternational.org, Twitter : @Trial (Anglais, Français, Allemand)