Torture dans les prisons en RDC : vers la fin de l’omerta ?
Un verdict historique en République démocratique du Congo (RDC) met en lumière une pratique tristement répandue : l’usage de la torture en prison, notamment à l’encontre des activistes. Une réalité d’autant plus choquante qu’elle est formellement prohibée depuis 2011. Mais la loi n’est que très peu appliquée… jusqu’à ce verdict.
Trop souvent, militants et opposants politiques sont punis pour leurs opinions. © Pexel
Le 21 août 2019, le tribunal militaire de Bukavu a rendu sa décision dans une affaire portée pendant deux ans par TRIAL International. Il s’agit de l’un des premiers cas en RDC où les juges ont condamné des policiers pour des crimes de torture commis en détention.
Les deux policiers ont reçu des peines de 2,5 ans et 15 mois respectivement, peines que TRIAL International considère bien trop légères. Ils ont également l’obligation, solidairement avec l’Etat congolais, de verser à la victime, Emmanuel Kabuka, 5’000 USD.
M. Kabuka est un militant des droits humains. Membre de l’ONG Héritiers de la Justice, qui dénonce les abus des agents de l’état, il a été arrêté en février 2017. Il s’est opposé à l’arrestation arbitraire de deux femmes de son village ; les policiers l’ont emprisonné à leur place.
Les défenseurs des droits humains, cible de choix
En détention, à l’abri des regards, M. Kabuka a subi les pires tortures. Les policiers l’ont notamment roué de coups, avec leurs poings et avec une barre de fer.
La torture en prison est loin d’être une exception en RDC. L’Organisation mondiale contre la torture l’a même qualifiée de « secret de polichinelle » tant son usage est fréquent. Plusieurs autres ONG, dont Freedom from Torture, ont également relevé qu’elle était souvent utilisée « pour punir (des) activités de militantisme politique et de défense des droits humains, mais aussi pour décourager toute velléité future ».
Une loi restée lettre morte
Ces actes sont d’autant plus graves qu’une loi pénalisant la torture a été promulguée en 2011. Saluée comme une avancée positive, elle conformait enfin le droit congolais aux standards internationaux de protection de la personne humaine.
Mais cette loi n’a pas eu l’effet escompté. Faute d’information, les magistrats l’ont très peu appliquée. C’est pourquoi le verdict dans l’affaire Kabuka est un grand pas en avant : il créé un précédent sur lequel d’autres juges pourront dorénavant s’appuyer.
« Cette affaire prouve l’importance de former et d’informer les acteurs locaux » explique Daniele Perissi, responsable du programme Grands Lacs de TRIAL International. « Une loi peut être parfaitement rédigée, elle sera inutile pour les victimes si elle n’est pas connue et correctement appliquée. »
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