BiH : Réduire la stigmatisation des victimes de violences sexuelles en temps de guerre
En Bosnie-Herzégovine (BiH), comme dans d’autres régions du monde, lorsqu’il s’agit de violences sexuelles, on rejette souvent la faute et la honte sur les victimes plutôt que sur les responsables. Cette tendance néfaste, qui se manifeste aussi durant les procès, stigmatise et re-traumatise les victimes.
Les mythes liés au viol
Plus de 20 000 femmes ont été violées pendant la guerre en BiH. Le nombre exact de victimes de genre masculin est encore inconnu. La prévalence des mythes liés aux violences sexuelles lors des démarches pénales accroît leur calvaire.
Les mythes liés au viol transparaissent lorsque, par exemple, les victimes ne sont pas traitées de la même façon lors des audiences en fonction de leur histoire personnelle, de leur mode de vie et/ou de leurs expériences sexuelles.
D’autres mythes liés au viol reflètent des attitudes archaïques selon lesquelles certaines victimes de violences sexuelles ne se sont pas suffisamment « défendues ». Ces stéréotypes négligent le fait que souvent lors de ces incidents, la victime, paralysée par la peur, peut difficilement bouger.
Pour finir, les mythes liés à la crédibilité et à la honte peuvent suggérer que certaines victimes mentent à propos de l’incident qu’elles dénoncent. Par conséquent, ces mythes suggèrent que les victimes et non les agresseurs devraient avoir honte.
Les juges et les procureurs doivent faire preuve d’une grande délicatesse lorsqu’ils interrogent les victimes à propos de leur passé et des agressions qu’elles ont subies. Mais la stigmatisation est parfois si profondément ancrée dans la société que les gens ne se rendent pas compte que leurs questions ou remarques peuvent être blessantes.
Eviter la stigmatisation au tribunal
Les mythes liés au viol doivent être pris en considération afin d’éviter la stigmatisation des femmes qui ont trouvé le courage de s’exprimer publiquement à propos des agressions qu’elles ont subies.
Au tribunal, ces victimes devraient donc sentir que les autorités judiciaires œuvrent dans leur intérêt. Et qu’elles ne sont pas là pour les blâmer ou leur attribuer la responsabilité de ces actes.
« Sensibiliser la société aux manières insidieuses à travers lesquelles la stigmatisation se manifeste dans les salles d’audience, est la clé du combat pour venir à bout des mythes liés au viol, » a dit Kyle Delbyck, consultante pour le programme BiH de TRIAL international, et auteure d’un rapport* sur le sujet. « Les survivants ont déjà dû faire face à tant d’épreuves… Ce rapport est le premier pas pour faciliter l’accès des victimes aux poursuites judiciaires, et leur permettre d’obtenir des réparations. »
L’une des nombreuses solutions présentées dans ce rapport est celle d’informer les victimes du type de questions personnelles auxquelles elles devront répondre durant les audiences.
Une fois informées, elles seraient en mesure de reconnaître si certaines questions posées par la défense sont déplacées ou non. Cela leur permettrait aussi d’apporter le témoignage le plus précis possible.
Qui plus est, une connaissance préalable de ces procédures les aiderait à se détendre et à se sentir en confiance. Elles sauront, par exemple, qu’elles ont le droit de demander une suspension d’audience à n’importe quel moment si cette dernière devient trop éprouvante.
L’importance de la plaidoirie
En 2017, les Nations Unies et le gouvernement britannique ont publié un guide : Principles for Global Action visant à mettre en garde et traiter du problème de la stigmatisation liée aux violences sexuelles durant les conflits. Le rapport de TRIAL International contribue à ce processus.
La justice transitionnelle en BiH a vu des améliorations fulgurantes au cours des dernières années. Mais les victimes agressées durant la guerre font encore face à des difficultés. Des problèmes liés à la stigmatisation, dont parle ce rapport, à l’imposition de frais de justice quand leurs revendications sont rejetées, à l’accès inégal à une aide juridique gratuite. L’accès des victimes à la justice dépendra des différentes campagnes de plaidoiries qui seront menées.
« La sensibilisation des acteurs judiciaires et du public est un élément clé du combat de longue haleine auquel nous participons, » a conclu Adisa Fišić Barukčija, conseillère juridique et chargée de communication du programme BIH pour TRIAL International.
*Le rapport a été réalisé dans le cadre d’un projet soutenu par le gouvernement britannique