Violences sexuelles en BiH : un pas supplémentaire dans la bonne direction
Depuis mars 2021, le code de procédure pénale de la République Serbe de Bosnie interdit la présentation de preuves sur le comportement sexuel de victimes après les faits. Il s’agit là d’un pas supplémentaire pour réduire la stigmatisation des survivantes et pour museler les tentatives de certains accusés de rejeter une partie de la faute sur ces dernières en les dépeignant comme des personnes aux mœurs légères.
L’information est passée quasiment inaperçue. Pourtant, c’est un changement non négligeable que l’une des deux entités de Bosnie-Herzégovine (BiH), la République Serbe de Bosnie (RS), a introduit dans son code de procédure pénale début mars 2021 : les cours chargées d’affaires de violences sexuelles ont désormais l’interdiction de présenter des preuves sur le comportement sexuel des victimes après les faits.
Une avancée saluée par TRIAL International et ses partenaires qui militent depuis 2018 auprès de la RS pour que cette modification soit adoptée. « La stigmatisation et les stéréotypes n’ont pas de place dans les tribunaux », a affirmé Lamija Tiro, conseillère juridique pour TRIAL International. « Nous allons continuer à nous battre pour que ces modifications soient appliquées, aussi bien au niveau fédéral qu’à celui de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et au district de Brčko. »
Territoires autonomes, législations distinctes
Depuis la fin de la guerre et les accords de Dayton en 1995, la BiH est un état fédéral, divisée en deux entités principales, fortement polarisées autour de l’appartenance ethnique de leurs habitants. La Fédération de Bosnie-Herzégovine d’une part, et la République serbe de Bosnie de l’autre. Chaque entité a son propre parlement, ainsi que des lois qui s’appliquent à leurs territoires respectifs. Elles ont donc naturellement deux codes de procédure pénaux. Et ceux-ci ne sont pas forcément identiques en tous points. Une troisième entité, le district de Brčko, est un territoire autonome et neutre de BiH. Il fait partie à la fois de la fédération de Bosnie-Herzégovine et de la république serbe de Bosnie.
Parmi les victimes de la guerre, on estime à plus de 20 000 le nombre de femmes qui ont subi des viols ou d’autre formes de violences sexuelles. Plus de 25 ans après la fin du conflit, beaucoup de ces survivantes n’ont toujours pas obtenu justice. Les tribunaux de BiH sont encore régulièrement saisis d’affaires liées à des violences sexuelles subies lors de la guerre.
Des tribunaux rendus attentifs à la stigmatisation
Jusqu’à récemment, plusieurs affaires de violences sexuelles ont vu des avocats de la défense tenter de rejeter la faute sur les victimes en présentant des détails sur la vie sexuelle de ces dernières. Une pratique particulièrement stigmatisante qui a traumatisé les survivantes qui y ont été confrontées, et contraire aux standards internationaux. Signe d’un glissement progressif vers une vision un peu moins archaïque, les deux entités ont introduit au cours des dernières décennies dans leurs codes de procédure pénales l’interdiction de se référer aux pratiques sexuelles des victimes avant les faits retenus. L’amendement introduit par la RS est la suite de cette logique qui vise à éviter la stigmatisation des survivantes.
Faire évoluer les lois en BiH est particulièrement fastidieux car toutes les démarches doivent être faites auprès de chacune des entités. Dans ce cas précis, TRIAL International a commencé à prendre contact avec le Ministère de la justice de la RS dès 2018, jusqu’à la création en mars 2019 d’un groupe de travail chargé de réviser le code pénal. Une démarche pour une révision similaire du code de la Fédération de Bosnie-Herzégovine est en cours.