Nepal : Un parcours semé d’embuches pour une victime de violences sexuelles
Sakhi signifie amie en népalais, c’est le pseudonyme choisi par une jeune femme pleine de courage pour partager son histoire. Victime de violences sexuelles pendant le conflit interne qui a ravagé le Népal pendant 10 ans, elle se bat depuis de nombreuses années pour obtenir justice et réparations. En vain.
Sakhi, orpheline et appartenant au groupe ethnique défavorisé des Tharus, était âgée de 13 ans lors de son viol, en 2001. Alors qu’elle faisait paître son troupeau de buffles en dehors du village, deux soldats de l’armée royale népalaise l’ont insultée, accusée d’être une maoïste et frappée à la tête. Lorsqu’elle a repris connaissance plusieurs heures plus tard, blessée et dévêtue, la fillette n’a pas tout de suite compris ce qui lui était arrivé.
Ce n’est que plusieurs mois plus tard, dans un hôpital local, que les infirmières ont réalisé qu’elle était enceinte. Et il a donc fallu expliquer à l’enfant ce qu’étaient des rapports sexuels, en l’occurrence non-consentis, ainsi que les conséquences d’une grossesse. En plus d’autres problèmes de santé causés par l’attaque, notamment psychologiques, Sakhi a dû prendre à sa charge les frais médicaux engendrés par l’avortement.
Mais une fois l’urgence médicale passée, comment obtenir justice alors qu’un conflit interne déchire le pays ?
Un premier pas sur le chemin de la justice ?
Des années plus tard, une fois la guerre civile terminée et le processus de justice transitionnelle entamé, Sakhi a réclamé justice une première fois. Devant la Commission nationale vérité et réconciliation, elle a tenté d’exposer son cas et de faire reconnaître les souffrances endurées.
Ce fut peine perdue. En plus des multiples dysfonctionnements des mécanismes de justice transitionnelle au Népal, la Commission ne reconnaît pas les survivantes de violences sexuelles comme des victimes de la guerre. Sakhi, comme des centaines d’autres victimes, n’a reçu aucune forme de réparation et son cas n’a pas fait l’objet d’investigations.
Pourtant, les violences sexuelles liées au conflit sont souvent le fait de véritables stratégies militaires. C’est le cas au le Népal, ou plusieurs rapports ont documenté l’utilisation généralisée de la violence sexuelle par les deux parties au conflit.
La voie sinueuse des juridictions domestiques
Avec le soutien de TRIAL International, tout est mis en œuvre pour faire avancer le dossier devant les tribunaux domestiques. « Lorsque j’ai rencontré Sakhi en 2018, sa détermination et sa résilience m’ont bouleversée. Juridictions après juridictions, nous avons déposé plaintes, requêtes et demandes pour qu’une investigation soit ouverte et que les auteurs du crime soient appréhendés, » raconte Salina Kafle, Coordinatrice des droits humains au HRJC, partenaires locaux de TRIAL International.
Mais là encore, un obstacle de taille entrave le chemin de la justice : aujourd’hui au Népal, une victime de violences sexuelles ne dispose que d’un an pour porter plainte ! Ce délai de prescription extrêmement court est un autre exemple des manquements de la législation népalaise en matière de violences sexuelles.
Une issue au niveau international ?
Vingt ans après les faits, les souffrances endurées par Sakhi n’ont toujours pas été reconnues alors qu’elle en porte encore les séquelles sur son corps. Face aux nombreux obstacles rencontrés au niveau national, une plainte auprès de Nations Unies a été déposée en 2020.
Aujourd’hui, TRIAL International et le HRJC continuent à fournir une assistance juridique et médicale. Ils se battent afin qu’une enquête soit ouverte et que Sakhi puisse obtenir justice et réparation.
Parallèlement, TRIAL International appelle le Népal à respecter enfin ses obligations internationales. Constatant l’inaction du pays en la matière, l’organisations propose également que le Comité des droits de l’Homme mette en place une procédure de suivi pour que ses recommandations soient enfin appliquées.
Le 9 février 2022, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les violences sexuelles (SRVAW) a adressé une communication au gouvernement népalais sur cette affaire, comme le Népal n’a pas répondu à sa première interpellation.