Disparitions forcées au Bélarus : un ancien membre de l’escadron d’élite du président Loukachenko comparait devant un tribunal suisse
(Saint-Gall, Paris, Minsk, Genève, 30 août 2023) – Yuri Harauski, ancien membre de l’unité spéciale d’intervention rapide (SOBR) du président Aliaksandr Loukachenko, comparaîtra les 19 et 20 septembre 2023 devant un tribunal pénal à Saint-Gall, en Suisse. Il est accusé d’avoir participé aux disparitions forcées de trois opposants politiques majeurs en 1999. Le procès fait suite aux plaintes déposées par les proches de deux des victimes et est soutenu par la FIDH, TRIAL International et Viasna, qui ont déposé une plainte au même moment.
Demonstration in Minsk in September 2003, on the pictures from left to right: Yuri Zakharenko, Dzmitry Zavadski, Anatoli Krasouski, Viktar Hanchar.
Yuri Harauski devra répondre des disparitions forcées de Yury Zakharenka, Viktar Hanchar et Anatoly Krasouski, intervenues en 1999 au Bélarus.
Ce procès est inédit : pour la première fois, un ressortissant bélarusse est jugé pour le crime de disparition forcée sur la base de la compétence universelle. Il s’agit également de la première application de la disposition spécifique incriminant ce délit en Suisse. Le procès devrait avoir lieu les 19 et 20 septembre 2023.
« Avec ce premier procès d’un membre présumé de l’escadron de Loukachenko, nous envoyons un signal fort. La justice en matière de crimes internationaux peut être et sera rendue, indépendamment des frontières des États ou du temps écoulé depuis que les crimes ont été commis », a déclaré Pavel Sapelko, l’avocat de Viasna. « Le principe de la compétence universelle est en train de s’ancrer fermement et de manière cruciale dans nos systèmes judiciaires. Petit à petit, nous empêchons les criminels internationaux de jouir de l’impunité ».
Disparition des opposants politiques de Loukachenko
À Minsk, entre mai et septembre 1999, plusieurs figures centrales de l’opposition ont disparu : Yury Zakharenka, ancien ministre de l’Intérieur, Viktar Hanchar, ancien vice-premier ministre pendant les premières années de la présidence de Loukachenko, et Anatoly Krasouski, homme d’affaires et ami proche de Hanchar. Les familles des victimes ont tenté à maintes reprises d’obtenir des informations sur le lieu où se trouvent leurs proches. Toutefois, les autorités biélorusses ont systématiquement refusé de poursuivre les auteurs de ces crimes et de les tenir pour responsables de leurs actes.
Le recours à la compétence universelle palie l’impossibilité d’obtenir justice pour les crimes commis au Bélarus
« Cette affaire marque une étape décisive dans la lutte contre l’impunité des crimes commis au Bélarus », a déclaré Severin Walz, l’avocat des familles des victimes. « Le plus grand espoir de mes clients est d’obtenir une réponse définitive sur le sort réservé à leurs pères, et ce, grâce à un jugement rendu dans le cadre d’une procédure judiciaire en bonne et due forme ».
« Ce procès sera historique. Il ouvre la voie à la compétence universelle en tant que réalité concrète », a déclaré Vony Rambolamanana, conseillère juridique principale à TRIAL International. « Cette affaire créera un précédent. La poursuite de tels crimes en Suisse servira d’exemple dans le monde entier ».
Un tournant pour le Bélarus ?
Au Bélarus, des opposant⋅e·s politiques, des militant⋅e·s des droits humains, des avocat⋅e·s, des journalistes et d’autres citoyen⋅ne·s ordinaires sont arrêté⋅e·s, détenu⋅e·s pour des motifs politiques et privé⋅e·s de leurs droits fondamentaux.
La récente condamnation des défenseurs des droits humains de Viasna, dont Alès Bialiatski, lauréat du prix Nobel de la paix 2022, constitue une mesure de représailles après 25 ans de travail en faveur des droits humains au Bélarus.
« Il pourrait s’agir d’un moment décisif pour la justice internationale concernant les crimes du régime bélarusse », a ajouté Ilya Nuzov, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de la FIDH. « Le procès de Harauski pourrait non seulement permettre de condamner l’un des auteurs de ces crimes odieux, mais aussi d’établir des faits susceptibles d’être utilisés ultérieurement pour poursuivre les commanditaires de ces crimes, y compris Loukachenko lui-même ».