Gambie : Campagne pour traduire l’ex-président Yahya Jammeh en justice
(Banjul, Gambie, 21 octobre 2017). Une campagne a été lancée aujourd’hui pour traduire en justice Yahya Jammeh et ses complices. Elle réunit des victimes de l’ancien gouvernement gambien et des militants gambiens et internationaux.
Suite à sa défaite électorale contre l’actuel président Adama Barrow, Jammeh a fui la Gambie en janvier 2017 et s’est exilé en Guinée Equatoriale. Pendant 22 ans, le gouvernement autoritaire de Jammeh a recouru aux meurtres, aux disparitions, à des actes de torture, d’intimidation et de violences sexuelles ainsi qu’à des arrestations arbitraires pour faire taire toute opposition et se maintenir au pouvoir.
« Nous irons jusqu’au bout pour que la justice triomphe, peu importe le temps que cela prendra », a déclaré Fatoumatta Sandeng, la fille du leader de l’opposition Solo Sandeng (dont l’assassinat avait galvanisé l’opposition au gouvernement Jammeh en avril 2016) et porte-parole de la nouvelle ‘Campagne pour traduire Yahya Jammeh et ses complices en justice’. « Tout ce qui compte, c’est que Jammeh et ses acolytes répondent de ce qu’ils ont fait subir au peuple gambien. »
L’objectif de la Campagne est le procès équitable de Yahya Jammeh et des principaux responsables des violations commises par le gouvernement. La Campagne a également déclaré qu’elle visait à porter la voix des victimes dans le processus de transition en cours en Gambie, et à aider l’actuel gouvernement à récupérer les avoirs de Jammeh.
« Vu ce que nombre d’entre nous ont vécu et la situation dans laquelle Jammeh a précipité la Gambie, nous avons un devoir moral de veiller à ce que justice soit faite » a dit Amadou Scattred Janneh, condamné à la prison à vie sous Jammeh pour avoir confectionné des T-shirts ‘Mettons fin à la dictature’. « En traduisant Jammeh en justice, nous envoyons aussi un message aux tyrans de tout le continent : nous sommes déterminés à combattre l’impunité. »
L’imam Baba Leigh comptait aussi parmi les victimes présentes à la conférence de presse de lancement de la Campagne. Ce chef religieux a été sauvagement torturé et maintenu incommunicado pendant cinq mois en 2012-2013. Etaient également présents Baba Hydara, le fils de Deyda Hydara, rédacteur en chef du journal The Point et président du Syndicat de la presse gambienne assassiné en 2004; Nana-Jo Ndow, dont le père était l’opposant Saul Ndow, disparu en 2013 et vraisemblablement assassiné ; et Ayeesha Jammeh, dont le père Haruna Jammeh et la soeur Marcie, cousins de Yahya Jammeh, ont disparus en 2005.
Parmi les intervenants à la conférence figuraient également Tutu Alicante, le Directeur de EG Justice, principale organisation de défense des droits humains en Guinée Equatoriale ; et Bénédict de Moerloose de l’ONG TRIAL International, qui a joué un rôle déterminant dans l’arrestation en Suisse d’Ousman Sonko, ex-ministre de l’Intérieur soupçonné de torture.
« Nous les Equato-guinéens, en tant que peuple ayant vécu quatre décennies de dictature brutale, nous sentons dans l’obligations d’aider nos frères et sœurs gambiens à obtenir la justice que l’on nous a refusé » explique Tutu Alicante, Directeur de EN Justice: l’ONG la plus importante pour les droits humains en Guinée Equatoriale. « Le succès des victimes gambiennes sera le succès de tous les Africains. »
La Campagne a annoncé qu’elle chercherait à faire extrader Jammeh vers la Gambie, mais que cela pourrait prendre plusieurs années. En effet, des considérations politiques, sécuritaires et institutionnelles doivent d’abord être résolues afin de garantir à Jammeh un procès équitable qui ferait avancer l’état de droit en Gambie.
Les participants à la Campagne sont : Le Gambia Center for Victims of Human Rights Violations, l’Institute for Human Rights and Development in Africa, Article 19 West Africa, Coalition for Change in Gambia, TANGO, EG Justice (Guinée Equatoriale), TRIAL International (Suisse), Human Rights Watch, Guernica 37 International Justice Chambers, Aids-Free World et La Fondation pour l’égalité des chances en Afrique.
Reed Brody, l’avocat de Human Rights Watch qui s’est illustré dans la campagne pour traduire en justice l’ex-dicateur tchadien Hissène Habré, est conseiller de la Campagne.
La Campagne est soutenue entre autres par la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique. « Cette campagne envoie un message fort : qu’aucun leader africain soupçonné de crimes contre l’humanité ne doit se croire au-dessus de la loi et hors de la portée de ses victimes » dit le ressortissant mauritanien Mohamed Bouamatou, Président de la Fondation.