Burundi : Le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) demande au Burundi de faire face à ses responsabilités dans une décision favorable à une victime
Le gouvernement burundais reconnaîtra-t-il ses obligations ou continuera-t-il d’ignorer les violations des droits humains commises sur son territoire ?
Fin avril 2022, le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) a rendu une décision favorable à la plainte déposée par Michèle (prénom d’emprunt), en 2019. La victime a été accompagnée par TRIAL International dans ses démarches auprès des instances internationales pour faire reconnaître les violences qu’elle a subies, afin que les autorités burundaises ouvrent une enquête pour établir la vérité, que les auteurs/trices soient puni/e/s et qu’elle obtienne des réparations dignes du préjudice subi.
Face à l’indifférence et l’inaction des autorités burundaises, Michèle et TRIAL International ont porté l’affaire auprès du CAT en 2019, quatre ans après les faits. Trois ans plus tard, ce dernier a rendu une décision favorable à Michèle, en reconnaissant que le traitement dont elle a fait l’objet est bel et bien de la torture. Le CAT demande ainsi au Burundi de mener une enquête approfondie sur les faits dénoncés par Michèle dans le but de traduire en justice les responsables.
Michèle est heureuse et soulagée par la reconnaissance de ses souffrances par le CAT.
« Je suis très heureuse d’apprendre que la décision m’est très favorable. Qui ne serait pas content en apprenant une décision favorable d’une instance internationale ? Cette décision est importante car elle reconnaît les violations dont j’ai été victime et reconnaît également mon droit à l’indemnisation. Cette décision est un pas important vers la justice. Malheureusement, elle ne change pas pour autant mes conditions de vie, comme je suis au chômage à causes de mes souffrances physiques et psychologiques. La seule manière de donner tout son sens à la décision serait d’indemniser le préjudice que j’ai subi, comme le recommande le CAT, » confie-t-elle.
En effet, le Comité onusien demande également au Burundi d’indemniser Michèle « de façon adéquate et équitable, y compris avec les moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible ».
Une répression aveugle dans un climat d’impunité
Le 11 décembre 2015, des individus armés non-identifiés ont attaqué quatre bases militaires. Le gouvernement burundais a répondu le lendemain par une répression violente et aveugle dans plusieurs quartiers de Bujumbura associés à l’opposition. Selon des estimations, environ 160 personnes ont été tuées et de nombreuses autres ont subi des violences, des arrestations arbitraires et des viols. Michèle était parmi les victimes de cette répression.
Membre d’un parti d’opposition au gouvernement, le Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), Michèle a été arrêtée arbitrairement à son domicile, le 12 décembre 2015. Elle a été humiliée, battue et torturée, avant d’être condamnée et emprisonnée pendant trois ans à la prison centrale de Mpimba dans des conditions déplorables.
Durant toute la procédure judiciaire à son encontre et notamment lors de ses différentes auditions, Michèle a fait part des violences qu’elle a endurées aux juges et aux instances juridiques mais elle n’a jamais été entendue par les autorités burundaises. Aucune enquête n’a été ouverte sur les faits qu’elle alléguait et ses dénonciations ont été ignorées. Ainsi, six ans et demi après les faits, les auteurs/trices des actes de torture dont elle a été victime sont toujours impuni/e/s.
Le recours aux instances internationales : unique moyen pour les victimes de torture de faire entendre leur voix
Libérée de prison en mars 2018, Michèle porte encore les stigmates des violences subies. Faire appel aux instances internationales est encore, malheureusement, l’unique moyen qu’ont les victimes de torture pour tenter de faire entendre leur voix au Burundi, dans l’espoir d’obtenir justice, vérité et réparation pour les crimes qu’elles ont subis.
TRIAL International accompagne les victimes au Burundi depuis 2011. À ce jour, l’organisation a porté 20 affaires auprès du CAT qui ont été suivies de 15 décisions favorables pour les victimes, tandis que pour 5 d’entre elles, les procédures sont encore en cours. Malheureusement, le gouvernement burundais n’a pas encore mis en œuvre ces décisions et fait la sourde oreille aux recommandations des instances internationales.
Malgré les promesses du président Ndayishimiye, un sentiment profond d’impunité règne encore dans le pays. « Il est temps que le Burundi prenne ses responsabilités, mette fin à l’impunité persistante pour les violations graves des droits humains et offre des réparations adéquates aux victimes, y compris à Michèle », indique Pamela Capizzi, Responsable du Pôle d’expertise juridique au sein de TRIAL International.