Verdict éclatant dans l’affaire Kokodikoko (RDC)
Trois ex-miliciens, dont le tristement célèbre chef de guerre Kokodikoko, ont été condamnés pour crimes contre l’humanité. L’État congolais a également été reconnu coupable de n’avoir pas protégé les populations civiles. Un verdict exemplaire qui satisfait des centaines de victimes… si tant est qu’il soit appliqué.
Le 19 novembre 2019, le tribunal militaire de garnison de Bukavu (Sud Kivu) a reconnu trois anciens miliciens coupables de crimes contre l’humanité. Tous ont écopé de lourdes peines de prison allant de 15 ans à la perpétuité pour le chef de milice, Kokodikoko. Les juges ont notamment retenu les crimes de meurtres, disparitions forcées, torture, violences sexuelles et esclavage infligés sur les populations civiles de plusieurs villages du Sud Kivu.
Les victimes, elles, se sont vues accorder des réparations financières et des soins médico-sociaux. Plus de 300 d’entre elles avaient été recensées au début du procès, dont la majorité pour des violences sexuelles. Bien que certaines aient renoncé à témoigner pour des raisons sécuritaires, la tenue d’audiences sur les lieux des crimes a largement favorisé leur participation.
Retour sur un procès aux proportions titanesques
Une décision exemplaire : l’État congolais civilement responsable
Malgré le fait que les accusés appartiennent à des groupes non-étatiques, l’État congolais a également été reconnu responsable. Il devra indemniser les victimes si les trois coupables ne le font pas. La raison : il n’a pas fourni les efforts nécessaires pour prévenir ces crimes, manquant ainsi à son devoir de protéger sa propre population.
La mesure n’est pas anodine, puisque Kokodikoko et ses acolytes ne pourront sans doute pas indemniser les victimes. Les autorités devront combler ce manque pour que les réparations prononcées ne restent pas lettre morte.
« Cette décision est un pas dans la bonne direction, reste à savoir si elle sera suivie d’effets » s’inquiète Chiara Gabriele, Conseillère juridique de TRIAL International à Bukavu. « Des précédents ont montré que l’État était réticent à indemniser les victimes, même lorsque cela est demandé par les juges. »
C’est pour cela que TRIAL International poursuit son accompagnement auprès des victimes bien au-delà du procès pénal. « Une justice forte ne se contente pas de punir : elle inclut aussi une dimension de réhabilitation » conclut Chiara Gabriele.
Une victoire de plus dans la lutte contre les groupes armés
Le président Felix Tshisekedi, élu fin 2018, a fait de la lutte contre les milices armées un pan important de son programme. Cette nouvelle condamnation – la septième depuis cinq ans – contribue à imposer l’État de droit dans des zones qui restaient, jusqu’alors, à la merci des seigneurs de guerre locaux.
TRIAL International, dans le cadre de la Task force pour la justice internationale, participe à cet effort de longue haleine. Elle a en effet apporté son concours dans plusieurs affaires incriminant des milices de l’est congolais : Marocain et son acolyte « 106 », Mutarule, Minova, le procès Sheka en cours au Nord Kivu et bien sûr la très célèbre affaire Kavumu en 2017.
« Toutes ces victoires montrent que la justice est possible en RDC. L’impunité n’est pas une fatalité mais il faut que les autorités congolaises, avec le soutien de tous ses partenaires, se donnent les moyens d’agir » martèle Guy Mushiata, Coordinateur pour TRIAL International en RDC.
Rappelons que le principal prévenu, Kokodikoko, a été arrêté au printemps 2019 lors d’une opération de pacification menée entre FARDC et la MONUSCO.
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