11 ans après son arrestation à Genève, la procédure contre Khaled Nezzar se poursuit en Suisse
11 ans après son arrestation à Genève, la procédure contre Khaled Nezzar se poursuit en Suisse. TRIAL International espère toujours son prochain renvoi en jugement
Le 20 octobre 2011, le général algérien Khaled Nezzar était arrêté à Genève par la police suite à une dénonciation pénale de TRIAL International ainsi qu’à des plaintes de deux victimes de torture pendant la décennie noire. Interrogé pendant 48 heures par le Ministère public de la Confédération (MPC), il a été relâché sous condition d’être présent pour la suite de l’instruction. Son audition finale en février 2022 permettait aux victimes ainsi qu’à TRIAL International, qui les a accompagnées pendant onze ans, d’entrevoir la possibilité d’un prochain renvoi en jugement. Son âge avancé et son état de santé qui se dégraderait, selon certaines rumeurs, sont autant d’éléments menaçant la tenue d’un procès.
En 2011, une procédure de longue haleine s’est ouverte en Suisse. Cette dernière représente encore aujourd’hui l’unique opportunité de faire entendre les voix des victimes algériennes et de leur rendre justice. Le rôle de la Suisse dans cette affaire est donc particulièrement important. Le MPC soupçonne Khaled Nezzar d’avoir participé comme complice à la commission de multiples crimes de guerre (meurtres, torture, de traitements inhumains, détentions illégales) ainsi qu’à des assassinats dans le contexte d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile entre janvier 1992 et janvier 1994 en Algérie, alors qu’il était l’homme fort du Haut Conseil d’État et officiait comme ministre de la Défense.
Après de nombreux rebondissements judiciaires, l’ouverture d’un procès en Suisse contre l’ancien ministre de la Défense constituerait un précédent historique. Pour la première fois dans le monde, une personne ayant officié comme chef d’État-major devrait rendre des comptes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant une juridiction nationale ordinaire en vertu du principe de compétence universelle. En Suisse, si d’autres affaires fondées sur le principe de compétence universelle sont en cours d’instruction, le procès de Khaled Nezzar serait le deuxième seulement à se tenir devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone en application de ce principe.
La procédure, qui à ce jour a duré plus longtemps que la guerre civile algérienne, a été rendue possible par le courage des victimes et par la présence à leurs côtés de TRIAL International et d’avocat/e/s engagé/e/s. Cependant, certains échos inquiétants sur l’état de santé de M. Khaled Nezzar, âgé de bientôt 85 ans, font craindre l’éventualité qu’il ne réponde peut-être jamais de ses crimes présumés devant la justice helvétique.
Selon Benoit Meystre, conseiller juridique chez TRIAL International « dans l’hypothèse du décès du prévenu, la clôture de la procédure qui s’en suivrait serait une nouvelle dévastatrice pour toutes les victimes de la décennie noire algérienne et serait perçue comme un échec des autorités de poursuite suisses ».
Si le chemin vers la justice peut souvent s’avérer long, cela est d’autant plus vrai dans ce dossier. Les victimes de la « sale guerre » attendent maintenant depuis plus de 30 ans que justice leur soit rendue. TRIAL International et les victimes continuent de croire à un renvoi en jugement à court terme et ne désespèrent pas de voir Khaled Nezzar assis sur le banc des accusés du Tribunal pénal fédéral.
Au début de la « décennie noire » en Algérie, qui aurait fait 200’000 morts ou portés disparus de 1992 à 2000, Khaled Nezzar était chef de l’armée par sa fonction de ministre de la Défense et de facto numéro un de la junte militaire, à la tête de troupes ayant commis un nombre incalculable d’exactions. Les violations graves des droits humains y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. L’impunité à l’égard de ces crimes est malheureusement encore aujourd’hui totale.