Travail forcé et violences sexuelles: le passé népalais sous la loupe de l’ONU
Le 20 mai 2019, le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH) a rendu une décision historique dans l’affaire Fulmati Nyaya (pseudonyme), une femme autochtone victime de viol, de torture et de travail forcé pendant le conflit armé népalais : pour la première fois, l’ONU reconnaît l’existence du travail forcé dans le contexte népalais, et propose une approche globale à la question des violences sexuelles.
« C’est la première fois que le CDH rend une décision concernant l’interdiction du travail forcé prévue à l’article 8(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », a déclaré Helena Rodríguez-Bronchú Carceller, conseillère juridique et responsable du programme Népal de TRIAL International. L’organisation est venue soutenir la quête de justice de la jeune femme depuis juin 2014. « Le Comité a également reconnu que le travail forcé était utilisé comme une forme de traitement cruel contre les détenus népalais pendant le conflit armé. Cette décision peut encourager d’autres victimes de travail forcé à demander justice. » En 2002, Fulmati Nyaya, alors âgée de 14 ans, avait été arrêtée par l’Armée royale népalaise et contrainte de travailler à la construction d’un temple dans la caserne, transportant des briques et du sable et fabriquant du ciment.
Au cours de la même période, elle a également été violée à plusieurs reprises et soumise à d’autres formes de violence sexuelle, de torture et de traitements inhumains. « Les conclusions du Comité sur la violence sexuelle sont également remarquables, car celui-ci adopte une approche holistique de l’impact de la violence sexuelle sur la vie de la victime », a ajouté Mme Rodríguez-Bronchú. En effet, pour la première fois, le Comité a reconnu que la stigmatisation, la marginalisation et la honte subies par Fulmati Nyaya constituaient une violation à part entière de ses droits, car elles interféraient avec sa vie privée et son autonomie sexuelle.
Enfin, le Comité a reconnu que les violations étaient discriminatoires… femme, mineure et autochtone, Fulmati Nyaya souffrait d’une triple discrimination.
VERS UN CADRE LÉGAL PLUS PROCHE DES STANDARDS INTERNATIONAUX
Dans le même ordre d’idées, le Comité a demandé au Népal de lever tous les obstacles qui empêchent les victimes de violences sexuelles en temps de conflit d’obtenir justice et réparation. Il a en outre ajouté que les organes de justice transitionnelle ne pouvaient pas se dispenser de poursuivre au pénal les auteurs de violations graves des droits humains, comme c’est trop souvent le cas à l’heure actuelle. « Je ne sais même pas si la Commission vérité et réconciliation a examiné ma plainte pendant tout ce temps. Ils ne m’ont jamais appelée », a déclaré Fulmati Nyaya.
L’instance onusienne invite le Népal à prendre une série de mesures pour empêcher que ces crimes ne se reproduisent, notamment en étendant la prescription pour les cas de viol. « Le Népal a récemment porté de 35 jours à un an le délai de prescription pour signaler un viol. Cette décision montre que, bien que cette modification législative soit la bienvenue, elle est encore insuffisante si le Népal veut respecter les normes internationales en matière de droits humains », a ajouté Mme Rodríguez-Bronchú.
LENDEMAINS INCERTAINS
TRIAL International avait demandé au Comité de soutenir Fulmati Nyaya dans sa quête de justice. Grâce au CDH, elle a retrouvé espoir : « Je suis très heureuse que l’ONU m’ait donné raison. C’est comme si enfin quelqu’un m’avait entendue ; c’est pour cela que ça fait du bien », a dit la jeune femme. Cependant, elle est consciente des défis qui l’attendent. « Je ne sais pas quand ni comment le gouvernement népalais mettra en œuvre la décision de l’ONU, mais j’espère qu’il finira par le faire. Je veux qu’une enquête en bonne et due forme soit menée sur mon cas. Je veux à nouveau me sentir comme je l’étais avant ce qui m’est arrivé. »
CONTEXTE
En 2002, alors âgée de 14 ans, Fulmati Nyanya est arrêtée par des membres de l’armée royale népalaise ainsi que des Forces armées de la police, et conduite dans une caserne. La jeune fille issue d’une communauté autochtone y est détenue au secret pendant plus de 6 semaines durant lesquelles elle est soumise à des viols répétés et d’autres formes de violence sexuelle. Elle est également victime de tortures (passages à tabac répétés, maintien prolongé les yeux ont été bandés et les membres menottés, menaces de mort proférées à son encontre). Durant sa captivité, Fulmati Nyaya est en outre soumise au travail forcé et contrainte de signer des aveux reconnaissant son implication dans des activités terroristes. A sa libération, elle est contrainte de tenir les forces de sécurité au courant des mouvements de la rébellion maoïste.
Pour plus d’informations
Communiqué du CDH (en anglais)