Burundi : le rôle vital de la Commission d’enquête dans l’optique de progrès concrets
En partenariat avec une quarantaine d’ONG burundaises et internationales, TRIAL International a co-signé une lettre à l’attention des Représentants permanents des États membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, demandant le renouvellement de la Commission d’enquête sur le Burundi.
Madame, Monsieur le Représentant permanent,
En amont de la 45ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (ci-après « le CDH » ou « le Conseil »), nous, organisations de la société civile, vous écrivons afin d’exhorter votre délégation à soutenir le renouvellement du mandat de la Commission d’enquête (CoI, selon l’acronyme anglais) sur le Burundi. Ce renouvellement, ancré dans les investissements consentis à ce jour dans et par la CoI et dans le contexte des développements politiques récents, fournirait la meilleure occasion de provoquer des progrès concrets en matière de droits humains au Burundi.
À ce jour, la CoI demeure le seul mécanisme indépendant ayant pour mandat de documenter les violations des droits humains (y compris sur leur étendue et sur le point de savoir si elles constituent des crimes de droit international), de suivre et de faire rapport publiquement sur la situation au Burundi, et doté par ailleurs de ressources et d’expérience suffisantes pour le faire. Des réalités politiques mouvantes n’équivalent pas à des changements systémiques en matière de droits humains. Le Conseil conserve une responsabilité de soutenir les victimes et les survivants des violations et d’œuvrer à améliorer la situation au Burundi. (…)
Le travail mené par la CoI, qui doit présenter son rapport écrit au Conseil lors de sa 45ème session (14 septembre-6 octobre 2020), continue de fournir un aperçu vital de la situation des droits humains au Burundi. La crise que connaît le pays a été déclenchée par l’annonce du Président Pierre Nkurunziza, en avril 2015, de son intention de solliciter un troisième mandat. (…)
À ce jour, aucun responsable de haut-niveau n’a été tenu pour responsable. Plusieurs centaines de prisonniers d’opinion ayant purgé la totalité de leur peine ou dont la libération a été ordonnée demeurent arbitrairement détenus, en dépit, pour certains d’entre eux, d’avis rendus par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA). Les victimes et survivants d’actes de violences sexuelles se voient refuser l’accès à un cadre spécialisé de traitement médico-psychologique et de réhabilitation. (…)
À la suite des élections présidentielle, législative et locale du 20 mai 2020 ayant mené à l’élection d’un nouveau président, Évariste Ndayishimiye, et du décès de l’ancien Président Nkurunziza, le Burundi se trouve dans une période de transition potentielle. Au moment où ces lignes sont rédigées et dans ce contexte précis, il existe à la fois des signes d’espoir et d’inquiétude sérieuse.
En dépit de remarques encourageantes que le Président Ndayishimiye a formulées lors de sa prestation de serment, ainsi que de la nouvelle approche des autorités, empreinte de davantage de transparence quant à la lutte contre l’épidémie de COVID-19, les observateurs ont aussi soulevé des inquiétudes ayant trait notamment au fait que plusieurs membres dernièrement nommés de l’administration Ndayishimiye font l’objet de sanctions individuelles internationales en raison de leur responsabilité présumée pour des violations des droits humains. Toutefois, la transition politique représente une occasion d’ouvrir un nouveau chapitre pour le peuple burundais et pour la relation du Burundi avec le système onusien de protection des droits humains. (…)
Nous nous féliciterions d’améliorations concrètes de la situation des droits humains au Burundi. Nous sommes convaincus que la meilleure chance de parvenir à ces avancées est incarnée par le renouvellement du mandat de la Commission d’enquête, ainsi que par un dialogue renouvelé des autorités burundaises avec la CoI, le HCDH et les autres organes et mécanismes de protection des droits humains de l’ONU et de l’UA. (…)
Lors de la 45ème session, le Conseil devrait éviter d’envoyer au Gouvernement burundais des signaux décourageant des réformes nationales en faveur de la protection des droits humains – ainsi de la discontinuation du mandat de la CoI en l’absence de progrès mesurables. (…) Au contraire, le Conseil devrait s’assurer de la poursuite des enquêtes, du suivi de la situation, de la présentation de rapports publics et de la tenue de débats sur la situation des droits humains au Burundi.
Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ces préoccupations et nous tenons prêts à fournir à votre délégation toute information supplémentaire. Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le Représentant permanent, en l’assurance de notre haute considération.
(la liste complète des 43 ONG signataires figure dans la lettre complète)