Les ONG accusent l’Espagne de jeter un voile sur les crimes du franquisme

14.01.2019 ( Modifié le : 17.03.2021 )

Aujourd’hui, les organisations de défense des droits humains TRIAL International et Women’s Link Worldwide portent devant les Nations Unies la première affaire relative au régime de Franco. 44 ans après la chute de la dictature, proches et survivants attendent toujours justice : il est grand temps que l’Espagne fasse la lumière sur les crimes de son passé. 

En collaboration avec l’association locale Memoria de Mallorca, TRIAL International et Women’s Link Worldwide ont déposé une plainte au nom de Francisca Alomar Jaume et Bartolomea María Riera Alomar, respectivement fille et petite-fille de deux victimes du régime franquiste.

En août 1936, les époux Antonio Alomar Mas et Margalida Jaume Vandrel ont été disparus à Manacor (Majorque). Bien que leur sort n’ait jamais été confirmé par des sources officielles, des témoignages indiquent qu’ils auraient été illégalement détenus et assassinés par la police militaire de Franco (Guardia Civil). Margalida, alors enceinte de sept mois, aurait aussi subi des violences sexuelles en détention.

 

Des décennies d’incertitude pour des milliers de victimes

La fille cadette du couple, Francisca, avait huit ans lorsque ses parents lui ont été enlevés. Maintenant âgée de 90 ans, elle ne sait toujours pas ce qui leur est arrivé. Avec sa nièce et le soutien de deux ONG, elle a décidé de porter son combat au niveau supranational, et de saisir le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDH).

« En Espagne, la loi d’amnistie de 1977 empêche d’enquêter sur les crimes commis pendant la guerre civile. Le budget consacré à la recherche des disparus est également largement insuffisant », explique Teresa Fernández Paredes, avocate principale chez Women’s Link Worldwide. « Par conséquent, les victimes comme Francisca ne peuvent avoir recours qu’à des mécanismes supranationaux pour obtenir la vérité et la justice ».

En portant l’affaire devant le CDH, les ONG souhaitent inciter les autorités espagnoles à faire enfin toute la lumière sur les crimes passés. Conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Espagne est partie, cela comprend notamment la recherche exhaustive de citoyens disparus, la sanction des auteurs de violations massives des droits humains, et l’octroi de réparations effectives aux victimes.

 

Les disparitions forcées, un crime fondé sur le genre

Les disparitions forcées de républicains (ou d’individus perçus comme tels) ont constitué une pratique systématique pendant la guerre civile espagnole et sous la dictature de Franco. Les femmes étaient particulièrement exposées à cette forme de violence, soit pour réprimer leur propre activisme, soit en rétorsion aux opinions politiques de leurs proches. Les femmes considérées comme déviant du modèle féminin traditionnel prôné par le nationalisme catholique s’exposaient également à des représailles, souvent sous la forme de violences sexuelles.

 

Suivi de l’affaire

Le 10 février 2021, le Comité des droits de l’homme a déclaré l’affaire inadmissible.
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