La lutte contre l’impunité ne passe pas par le recours à la peine de mort
La lutte contre l’impunité ne passe pas par le recours à la peine de mort
TRIAL International exprime sa vive inquiétude suite à la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort en RDC. L’évolution du droit international et de la pratique des États démontre que la peine capitale est incompatible avec les principes fondamentaux des droits humains. La récente décision du gouvernement congolais va à l’encontre de ses propres engagements en matière de réforme de la justice et constitue une violation de la constitution de la RDC
Depuis 2003, l’exécution de la peine de mort faisait l’objet d’un moratoire en République démocratique du Congo. Au cours des dernières années, le parlement avait débattu de plusieurs propositions de loi visant à son abolition. En 2017, dans le cadre de sa nouvelle Politique Nationale de Réforme de la Justice, le gouvernement congolais s’était engagé à garantir une justice fondée sur le respect de la dignité humaine, avec une attention particulière à la thématique de l’abolition de la peine de mort.
Mais en ce début d’année les autorités congolaises ont décidé d’aller à l’encontre de leurs engagements en adoptant le rétablissement de l’exécution de la peine de mort.
Le 13 mars 2024, le ministre de la Justice a notifié les autorités judiciaires de la reprise des exécutions pour les condamnations judiciaires finales pour une longue série d’infractions commises « en temps de guerre, sous l’état de siège ou d’urgence, à l’occasion d’une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle…»
TRIAL International déplore cette décision parce qu’elle considère que la peine capitale n’a pas sa place au 21ème siècle.
Tous les experts des droits humains des Nations unies et des mécanismes régionaux de protection des droits humains – notamment de l’Union africaine – ont affirmé que la peine de mort est incompatible avec le droit à la dignité humaine, le droit à la vie et l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Plusieurs cours constitutionnelles, comme celle d’Afrique du Sud, ont jugé que cette peine n’est pas compatible en soi avec la protection contre les mauvais traitements à cause des graves souffrances et douleurs physiques et psychologiques infligées à une personne condamnée à mort. Ces droits sont solennellement garantis par la Constitution congolaise de 2006, ce qui suscite des questionnements sur la constitutionnalité de la récente décision.
Le gouvernement congolais semble justifier l’application de la peine de mort par le besoin de lutter contre la « trahison » au sein de l’armée ainsi que l’intensification du banditisme urbain, mais les études menées dans différents pays du monde n’ont pas prouvé que la peine capitale ait un effet dissuasif sur la criminalité.
D’autant plus, cette mesure par sa nature irréversible est particulièrement inquiétante dans un pays où la justice présente de nombreux dysfonctionnements dont le Président de la République s’est plaint lui-même en ce début d’année.
En tant que partenaire du gouvernement congolais dans les efforts de lutte contre l’impunité pour les graves violations des droits humains, TRIAL International appelle les autorités congolaises à revenir sur leur décision, restaurer le moratoire sur la peine de mort en attendant son abolition définitive, bâtir un système carcéral efficace et œuvrer pour une réforme profonde du secteur de la justice afin de consolider un état de droit protecteur des libertés fondamentales. Parce que le développement moderne de la lutte contre l’impunité va indissociablement de pair avec le rejet de la peine de mort et une justice accessible, équitable et fondée sur la dignité humaine.