Au bout de dix ans, les victimes espèrent toujours qu’un procès historique s’ouvrira en Suisse contre l’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad

19.12.2023 ( Modifié le : 18.12.2023 )

Il y a dix ans, jour pour jour, le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvrait une enquête pénale pour crimes de guerre à l’encontre de l’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad. Une plainte pénale avait été déposée par TRIAL International quelques jours auparavant, alors que M. al-Assad était présent en Suisse. Tout au long de ces années, TRIAL International a continué à soutenir les parties plaignantes dans leur quête de justice.

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Philip Grant, Directeur de TRIAL International, assis dans le même fauteuil de l’hôtel genevois, dans lequel Mr. al-Assad a été vu en décembre 2013, tenant la photo de ce dernier prise il y a dix ans.

Depuis décembre 2013, Rifaat al-Assad fait l’objet d’une enquête pour son rôle présumé dans les massacres commis dans la ville syrienne de Hama en février 1982 par les « Brigades de défense », qu’il commandait à l’époque. Aux côtés de l’armée régulière syrienne, les troupes de Rifaat al-Assad sont soupçonnées d’avoir participé au siège et à l’assaut de la ville, qui en trois semaines ont fait entre 10 000 et 40 000 morts, principalement des civils. Des exécutions, des disparitions forcées, des viols et des tortures ont été commis à une échelle inimaginable. Des quartiers entiers ont été détruits pendant l’attaque.

L’enquête pénale contre le « boucher de Hama » repose sur le principe de compétence universelle, qui permet aux États d’enquêter et de poursuivre des personnes soupçonnées de crimes internationaux, quels que soient le lieu où ils ont été commis et la nationalité des suspects ou des victimes.

L’OAG n’a brièvement interrogé M. al-Assad qu’une seule fois, en septembre 2015, alors qu’il était de nouveau présent en Suisse. Après plus de trois décennies d’exil, principalement en France, Rifaat al-Assad est retourné en Syrie en octobre 2021, sous la protection de son neveu, Bachar al-Assad. Le mandat d’arrêt international émis par le Ministère public suisse contre Rifaat al-Assad n’a été rendu public que le 16 août 2023.

Après tant d’années et une procédure sinueuse, les victimes attendent toujours que la lumière soit faite sur les crimes commis à Hama par le régime syrien contre son propre peuple. Le massacre qui a eu lieu en 1982 est gravé dans l’esprit des gens comme un moment marquant de l’histoire récente de la Syrie. L’absence de responsabilité pour les crimes passés a alimenté la brutalité du régime al-Assad, dont la violence depuis le début de la révolution a déjà été qualifiée de crimes contre l’humanité par un tribunal allemand.

Les trois parties plaignantes dans cette affaire attendent avec impatience le dépôt d’un acte d’accusation et l’ouverture d’un procès. TRIAL International demande instamment aux autorités suisses d’accélérer la procédure judiciaire, car toute justice différée équivaut à un déni de justice. M. al-Assad étant désormais âgé de 85 ans, tout retard supplémentaire risque de priver les victimes de leur droit à la justice.

Le procès éventuel de M. al-Assad en Suisse serait une première. Il est rare que des responsables de si haut rang soient jugés pour des crimes internationaux sur la base du principe de compétence universelle. Il enverrait un message fort selon lequel les personnes au pouvoir en Syrie, même lorsqu’elles s’appellent al-Assad, ne sont pas hors de portée de la justice.

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