L’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad sera jugé en Suisse pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité
(Genève, 12 mars 2024) – L’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad sera jugé en Suisse pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le Ministère public de la Confédération (MPC) l’accuse d’avoir ordonné des meurtres, des actes de torture, des traitements cruels et des détentions illégales perpétrés en février 1982 dans la ville de Hama, en Syrie. Avec la présente inculpation, les victimes peuvent enfin espérer que justice soit faite. Rifaat al-Assad, l’oncle de l’actuel président syrien Bachar al-Assad, sera l’un des plus hauts responsables gouvernementaux à être jugé pour des crimes internationaux sur la base du principe de compétence universelle.
Après avoir lancé un mandat d’arrêt international contre Rifaat al-Assad en novembre 2021, le MPC l’a mis en accusation le 11 mars 2024 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La procédure concerne les crimes de guerre massifs commis dans la ville de Hama, en Syrie, en février 1982 par les « brigades de défense ». Le siège et l’assaut de la ville, qui ont duré trois semaines, ont entraîné la mort de 10’000 à 40’000 personnes, dont un grand nombre de civils, ainsi que de nombreux actes de torture, des violences sexuelles et des disparitions forcées. À l’époque, Rifaat al-Assad était le commandant de ces brigades de défense, le vice-président de la Syrie, ainsi que le chef des opérations à Hama.
« Au début, je ne pouvais même pas rêver que Rifaat al-Assad soit jugé. L’acte d’accusation montre que des personnes aussi puissantes peuvent être traduites en justice et je veux que tout le monde sache ce que le régime al-Assad a fait au peuple syrien. Mon combat est celui de tous les Syrien·ne·s», a déclaré une des trois personnes qui se sont portées parties plaignantes dans l’affaire. Elle exprime ainsi les émotions de tou·te·s les survivant·es du massacre, qui attendent ce moment depuis plus de 40 ans.
En 2013, TRIAL International a déposé une dénonciation pénale en Suisse contre Rifaat al-Assad, qui a rapidement conduit à l’ouverture d’une enquête officielle. Depuis, l’accusé, qui résidait en France, a toujours refusé de témoigner devant les autorités de poursuite suisses, sous divers prétextes. Il s’est enfui en Syrie en octobre 2021, pour échapper à une condamnation à 4 ans de prison prononcée par la justice française pour divers délits financiers, mais aussi à son audition prochaine par le MPC, qui était sur le point d’être organisée, sur la base d’une demande d’entraide judiciaire adressée par la Suisse à la France.
Philip Grant, Directeur Exécutif de TRIAL International, a salué la mise en accusation historique d’une personnalité aussi éminente : « C’est un pas de plus vers la justice pour le peuple syrien ! Cette affaire, ainsi que d’autres procédures de haute importance, notamment en Allemagne et en France, met en cause la responsabilité des plus hauts responsables syriens et contribue fortement à faire la lumière sur les crimes commis par le clan al-Assad contre son propre peuple au cours des dernières décennies. »
L’enquête criminelle et le procès à venir contre celui qu’on appelle aussi « le boucher de Hama », sont possibles grâce à l’application du principe de compétence universelle, qui permet aux états d’enquêter et de poursuivre des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux, indépendamment du lieu où les crimes ont été commis et de la nationalité des personnes suspectes ou des victimes.
TRIAL International rappelle aux autorités suisses que le temps presse et joue contre la justice, puisque Rifaat al-Assad vieillit. Plus de 40 ans après le massacre de Hama, son procès doit avoir lieu le plus tôt possible, indépendamment du fait que Rifaat al-Assad décidera très probablement de ne pas assister à son propre procès.