L’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad sera jugé en Suisse pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le Ministère public de la Confédération (MPC) l’accuse d’avoir ordonné des meurtres, des actes de torture, des traitements cruels et des détentions illégales perpétrés en février 1982 dans la ville de Hama, en Syrie. Avec la présente inculpation, les victimes peuvent enfin espérer que justice soit faite. Rifaat al-Assad, l’oncle de l’actuel président syrien Bachar al-Assad, sera l’un des plus hauts responsables gouvernementaux à être jugé pour des crimes internationaux sur la base du principe de compétence universelle.
Il y a dix ans, jour pour jour, le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvrait une enquête pénale pour crimes de guerre à l’encontre de l’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad. Une plainte pénale avait été déposée par TRIAL International quelques jours auparavant, alors que Rifaat al-Assad était présent en Suisse. Tout au long de ces années, TRIAL International a continué à soutenir les parties plaignantes dans leur quête de justice.
Le Tribunal pénal fédéral (TPF) a ordonné à l’Office fédéral de la Justice (OFJ) de diffuser un mandat d’arrêt international contre l’ancien vice-président Rifaat al-Assad dans le cadre des poursuites dont il fait l’objet depuis 2013 pour son rôle présumé dans les crimes de guerre massifs commis dans la ville de Hama en février 1982. TRIAL International appelle les autorités suisses à rapidement mettre en accusation et juger celui que l’on surnomme le « boucher de Hama », aujourd’hui âgé de 85 ans.
Le 13 décembre 2013, alertée de sa présence en Suisse, TRIAL International déposait une dénonciation pénale à l’encontre de Rifaat Al-Assad auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) pour sa responsabilité présumée dans le massacre commis dans la ville syrienne de Hama en février 1982.
TRIAL International et le défenseur des droits humains Anwar Al-Bunni reviennent aujourd’hui sur les moments-clés du dossier, dont l’instruction en Suisse n’est pas encore clôturée, neuf ans après l’ouverture de l’enquête à l’encontre de celui que l’on surnomme « Le boucher de Hama ».
De retour en Syrie, après 36 ans d’exil forcé en France, Rifaat al-Assad échappe à la justice française. L’ancien vice-président syrien, pourtant condamné en appel à Paris le mois dernier à quatre ans de prison pour biens mal acquis, a pu quitter en catimini le territoire français et rentrer à Damas jeudi 7 octobre 2021. Une fuite qui compromet non seulement l’exécution de sa condamnation, mais aussi la procédure ouverte contre lui en Suisse pour crimes de guerre, suite une dénonciation pénale de TRIAL International en 2013.
Il y a exactement 39 ans, débutait le siège de la ville de Hama par l’armée syrienne, en représailles à une tentative de soulèvement des Frères musulmans. En un peu moins d’un mois en février 1982, les troupes de Hafez al-Assad se livrent à un véritable massacre qui coutera la vie plusieurs dizaines de milliers de personnes, majoritairement des civils. A la tête des Brigades de défense, Rifaat al-Assad, le frère du président, que les Syriens surnommeront le « Boucher de Hama », nie depuis lors son implication. Depuis décembre 2013, il fait pourtant l’objet d’une enquête pénale par le Ministère public de la Confédération pour crimes de guerre, suite à une dénonciation déposée par TRIAL International.
Un rapport de l’ONU rendu public pointe du doigt la Suisse. Dans deux affaires pénales pour crimes de guerre, le Ministère public de la Confédération aurait cédé à des pressions politiques. Cela a entraîné des retards considérables dans les procédures, au détriment des victimes soutenues par TRIAL International.
Dans cet article, qui résume les critiques adressées à la Suisse par le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et son homologue sur l’indépendance des juges et des avocats, les retards dans l’affaire de Khaled Nezzar, ainsi que dans celle de Rifaat Al-Assad, sont mis en cause.
Le 2 février 1982, les forces gouvernementales syriennes, y compris les Brigades de la Défense, ont attaqué la ville de Hama pour écraser les opposants au régime qui avait pris les armes.
Pendant près d’un mois, des civils ont été pris au piège dans la ville, et se sont retrouvés dans l’impossibilité d’obtenir de l’aide, de la nourriture, de l’approvisionnement, de l’électricité… Les pertes civiles ont représenté entre 10’000 à 40’000 personnes, selon les différentes sources.
Hamid Sulaiman, artiste syrien né à Damas, est l’un des « jeunes rêveurs du printemps arabe ». Il n’était pas né lorsque le massacre de Hama 82 a eu lieu, mais il résonne encore en lui comme un « fantôme de terreur ». Contraint de fuir la Syrie en 2011, il s’est installé à Paris où il a récemment publié son premier roman graphique basé sur son expérience.
Rifaat Al-Assad est militaire de carrière et homme politique syrien. Il est le frère cadet de l’ancien président de la Syrie, Hafez Al-Assad, dont il a largement contribué à la prise de pouvoir en 1970. Il est l’oncle de l’actuel président Bachar Al-Assad.
Très proche du pouvoir dans les années 1980, il a été membre du commandement régional du parti Baath et a commandé les « Brigades de Défense », les troupes d’élites de défense du régime syrien, de 1971 à 1984.
Perçu par beaucoup comme successeur probable de son frère aîné, il a par la suite été soupçonné d’une tentative de coup d’Etat contre ce dernier et contraint à l’exil en 1984. Il a depuis vécu dans plusieurs pays d’Europe où il a investi une large fortune personnelle.
En juin 2016, il a été mis en examen en France pour recel de détournement de fonds publics, blanchiment et travail dissimulé pour des salaires d’employés non déclarés. Des biens lui appartenant, à hauteur de millions d’euros, ont été saisis en France, en Espagne et au Royaume-Uni.
Les révélations sur l’enquête de TRIAL International
Un collectif d’avocats a rendu public l’existence d’une procédure pénale en Suisse visant Rifaat Al-Assad pour des crimes de guerre commis dans les années 1980 en Syrie. TRIAL International confirme avoir dénoncé l’ancien vice-président syrien à la justice au terme d’une enquête approfondie. Un dossier solide est entre les mains du Ministère public de la Confédération (MPC), qui doit maintenant mener à son terme une procédure exemplaire et historique.
Depuis 2013 et suite à une dénonciation pénale de TRIAL International, Rifaat Al-Assad fait l’objet d’une enquête en Suisse pour crimes de guerre. Mais quatre ans plus tard, l’ONG s’inquiète de l’enlisement de l’affaire, malgré les multiples éléments de preuves qu’elle a apporté. Ce matin, les avocats des parties plaignantes ont publiquement interpellé le MPC, dénonçant un déni de justice pour leurs clients ; tous sont des victimes directes de la barbarie du régime syrien.