Un membre présumé d’un escadron de la mort gambien sera jugé aux États-Unis
(San Francisco et Genève, 2 novembre 2023) – Michael Correa, membre présumé du célèbre escadron de la mort « Junglers » de l’ancien dictateur gambien Yahya Jammeh, doit être jugé à Denver (Colorado, États-Unis) à partir du 16 septembre 2024. Correa est accusé de torture et de conspiration en vue de commettre des actes de torture. Ce procès historique constitue une étape majeure vers la vérité et la justice pour les victimes gambiennes et le premier procès jamais organisé aux États-Unis sur la base du principe de compétence universelle.
L’ancien président gambien Yahya Jammeh a dirigé le pays d’une main de fer entre 1994 et 2016. Au cours de ces années, la population gambienne a subi des violations généralisées des droits de l’homme, notamment des actes de torture, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles. L’accusé Michael Correa serait un membre de l’escadron de la mort « Junglers », une unité paramilitaire mise en place par Jammeh. Correa aurait participé à la torture de plusieurs personnes en mars et avril 2006.
Correa a été arrêté en septembre 2019 aux États-Unis pour violation des lois sur l’immigration. Une coalition d’ONG a appelé les forces de l’ordre américaines à enquêter également sur Correa pour torture. En juin 2020, il a été inculpé d’un chef d’accusation de conspiration en vue de commettre des actes de torture et de six chefs d’accusation pour avoir torturé des personnes spécifiques. Il a plaidé non coupable de ces accusations.
Cette affaire est introduite en vertu de la loi américaine sur la torture, selon le principe de la compétence extraterritoriale. Cette loi permet au gouvernement américain de poursuivre toute personne se trouvant aux États-Unis, quelle que soit sa nationalité, pour des actes de torture commis en dehors des États-Unis.
« Les poursuites engagées contre Michael Correa sont les bienvenues, mais des poursuites similaires ont été rares aux États-Unis. En fait, il s’agit seulement du troisième procès intenté en vertu de la loi sur la torture, promulguée il y a près de 30 ans, et du premier à l’encontre d’un étranger. Pour que les États-Unis ne soient pas un refuge pour ceux qui commettent des atrocités à l’étranger, ils doivent mieux utiliser les outils de compétence universelle à leur disposition, » a déclaré Ela Matthews, avocate principale de la CJA.
Au moment de son inculpation, Correa était la première personne à faire l’objet d’une enquête pénale en dehors de la Gambie pour des atrocités commises sous le régime de Jammeh. Depuis, deux autres affaires relevant de la compétence universelle ont progressé. En mars 2022, Bai Lowe, un autre membre présumé des Junglers de Jammeh, a été inculpé dicted en Allemagne pour crimes contre l’humanité. Il est actuellement en procès. En Suisse, l’ancien ministre de l’intérieur gambien, Ousman Sonko, devrait être jugé pour crimes contre l’humanité au début de l’année 2024.
Benoit Meystre, conseiller juridique à TRIAL International, a déclaré : « Ces enquêtes et ces procès – en dehors du pays où les crimes ont été commis – contribuent non seulement à réduire l’impunité concernant les violations massives qui ont eu lieu en Gambie, mais sont également un moyen d’encourager les autorités gambiennes à enquêter et à poursuivre les cas dans le pays lui-même. »
Malgré les efforts déployés par la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC) de la Gambie pour documenter les violations passées, le gouvernement gambien n’a, à ce jour, pris que peu de mesures pour traduire les auteurs en justice ou pour répondre aux demandes des victimes en matière de responsabilité et de réparations. Bien que le gouvernement gambien ait adopté un plan de mise en œuvre des recommandations de la TRRC le 12 mai 2023, la mise en œuvre est restée lente.
« L’annonce récente d’une collaboration entre le ministère gambien de la Justice et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en vue d’établir un mécanisme internationalisé ou hybride pour poursuivre les plus hauts responsables de l’ancien régime – y compris Yahya Jammeh lui-même – est un développement positif, » a déclaré Ela Matthews, avocate principale de la CJA. « Jusqu’à ce que ce tribunal soit établi, le procès de Michael Correa et les procès des complices présumés de Jammeh dans d’autres tribunaux nationaux seront des voies essentielles vers la justice pour les victimes. »
Voir notre article sur sa mise en accusation en 2020 ici.