Ouverture d’un procès historique en Suisse, contre l’ancien ministre de l’Intérieur gambien, pour crimes contre l’humanité
(Genève, 4 janvier 2024) – Le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur gambien, Ousman Sonko, se tiendra devant le Tribunal pénal fédéral suisse du 8 au 30 janvier 2024. Ousman Sonko est jugé pour crimes contre l’humanité, commis sous le régime de l’ancien président gambien Yahya Jammeh. TRIAL International avait déposé une plainte pénale contre Ousman Sonko en janvier 2017.
Les autorités de poursuite suisses accusent M. Sonko d’une série de crimes : l’assassinat d’un opposant politique en 2000 ; des actes de violence sexuelle commis entre 2000 et 2002, puis en 2005 ; la participation à des actes de torture et de détention arbitraire dans une affaire de coup d’État en mars 2006 ; et l’assassinat d’un homme politique en 2011. Ousman Sonko est également accusé d’avoir torturé et emprisonné des manifestants pacifiques en 2016, alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Le procureur général a qualité ces actes de crimes contre l’humanité.
« Ce procès est très important dans l’histoire judiciaire suisse, puisqu’il s’agit seulement du deuxième procès pour crimes contre l’humanité, explique Leslie Haskell, Présidente de TRIAL International. Ousman Sonko est également le plus haut responsable politique jamais jugé en Europe pour des crimes internationaux, en vertu de la compétence universelle. » Selon ce principe juridique, les États ont en effet la possibilité de poursuivre les auteur·es de crimes internationaux présents sur leur territoire, quel que soit le lieu où les crimes ont été commis ou la nationalité des auteur·es et des victimes.
TRIAL International soutient les neuf parties plaignantes qui se rendent à Bellinzone pour être entendues par le tribunal. Une dixième aurait dû les rejoindre, mais elle est malheureusement décédée en octobre 2023, en raison des suites des mauvais traitements subis à l’époque des crimes. Ce procès est une lueur d’espoir pour les victimes des atrocités commises pendant le règne de terreur de Jammeh (1994-2016). Le 30 novembre dernier, un ancien membre d’une unité paramilitaire créée par l’ancien président et connue sous le nom de « Junglers », a été condamné par un tribunal allemand à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, concernant deux meurtres et une tentative de meurtre. Un autre membre présumé du même escadron de la mort, Michael Correa, doit être jugé à Denver, aux États-Unis, en septembre 2024. Il est accusé d’avoir commis des actes de torture et d’avoir comploté en vue de commettre des actes de torture.
« Le processus de justice transitionnelle en Gambie est trop lent, » a déclaré l’une des parties plaignantes, qui souhaite rester anonyme à ce stade. « Les procès qui ont lieu en Allemagne et en Suisse permettent enfin aux victimes de tourner la page, ce qu’elles attendent depuis trop longtemps maintenant. »
Si Ousman Sonko était reconnu coupable et condamné, cela contribuerait à lutter contre l’impunité des violations commises en Gambie sous le régime de M. Jammeh. Une condamnation ouvrirait la voie à des poursuites au niveau national et encouragerait le processus de justice transitionnelle initié en 2017.
Ouvertes au public et aux médias, les audiences se tiendront en allemand et ne seront pas traduites, sauf lorsque l’accusé, les victimes et les témoins anglophones seront amené·es à s’exprimer. TRIAL International regrette ce choix qui limite la possibilité pour les plaignant·es, les journalistes et la communauté gambienne à comprendre et à rendre compte de la procédure. Défendant le principe selon lequel « la justice ne doit pas seulement être rendue mais être perçue comme telle », TRIAL International demande à ce que les victimes et survivant·es aient pleinement accès à ce procès historique pour la communauté gambienne.